Greta Thunberg montre la voie à une écologie encore trop peu radicalisée

Greta Thunberg montre la voie à une écologie encore trop peu radicalisée

Clément Lopez

Groupe de manifestant.es agitant un drapeau, manifestation contre les megabassines, juillet 2024
Photo : Elio | @elio_j

Greta Thunberg n’a pas « changé », elle applique sa logique militante et écologique jusqu’au bout.  Il y a une semaine, elle et 11 autres personnalités ont embarqué sur le Madleen. Un petit voilier qui navigue pour la coalition Freedom Flotilla. L’objectif était de rompre le blocage de Gaza par Israël, d’apporter de l’aide humanitaire mais surtout de visibiliser le génocide en cours.  Cette action n’est pas un fait isolé pour la militante, mais la suite logique d’un combat contre un système qui détruit les populations et la nature. Son engagement pour la Palestine cristallise les tensions et met en lumière les contradictions qui traversent les luttes écologistes.  

Greta Thunberg révèle les impasses d’une écologie apolitique et déconnectée des réalités sociales

Militant.e agitant le drapeau de la Palestine pentant l'opération anti-A69, juillet 2024
Photo : Clément Lopez | @clementlopez.jpeg

Une vision intersectionnelle des luttes

En 2018, elle devient une icône des luttes écologistes pour les médias mainstream. A travers les grèves scolaires, ses discours à l’ONU et lors des COP, elle bénéficie d’une visibilité que peu de militant.es ont.  
 
Ses actions, ses prises de parole et sa posture de jeune femme sont considérées comme peu pertinentes. La portée politique de son discours intéresse peu. C’est plutôt le spectacle de voir une adolescente faire de la politique et pleurer à la télé qui intéresse. En témoigne son traitement médiatique qui est souvent méprisant, sexiste et validiste. 
 
Sauf qu’au fil du temps, son image médiatique plutôt inoffensive s’est progressivement teintée de radicalité. En parallèle des grèves et des discours, elle a soutenu et participé à des luttes employant des panels d’actions plus controversées. Notamment en Allemagne où elle s’est fait arrêter lors d’une manifestation contre l’expansion d’une mine de charbon ou encore quand elle a participé à une manifestation en France contre le projet d’autoroute A69. Des prises de position qui marquent un tournant dans sa couverture médiatique qui devient de plus en plus critique et virulente. 

Pourtant ses positions, elles, sont toujours restées cohérentes sur le fond. Dès 2019, elle exprimait déjà une vision intersectionnelle des luttes, affirmant que : “La crise climatique ne concerne pas seulement l’environnement. C’est une crise des droits de l’homme, de la justice et de la volonté politique. Des systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée.”   

Militant.e tagant "Palestine vivra" pendant l'opération anti-A69, octobre 2023
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Slogan "Stop arming Israel" pendant l'opération Stop Micro-Electronics, mars 2025
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Groupe de manifestant.es agitant un drapeau, manifestation contre les megabassines, juillet 2024
Photo : Elio | @elio_j

Greta politise l'écologie à travers la cause Palestinienne

L’engagement de Greta Thunberg pour la Palestine incarne une rupture nette avec une écologie de posture et une gauche consensuelle. La militante suédoise a montré qu’il était possible de décentrer son regard d’une écologie blanche et d’accentuer ses engagements en faveur des luttes décoloniales et antifascistes. 

 
“Si en tant qu’activiste climatique, vous ne luttez pas aussi pour une Palestine libre et la fin du colonialisme, alors vous ne devriez pas pouvoir vous qualifier d’activiste climatique”, lançait elle. 
 
Si certain.es perçoivent encore la convergence des luttes et l’intersectionnalité comme de simples théories militantes, pour d’autres, c’est une réalité sociale parfois extrêmement violente. C’est le cas notamment en Palestine comme le souligne Fatima Ouassak, militante écologiste et antiraciste et qui notamment écrit l’ouvrage « Pour une écologie pirate ». 
 
“La colonisation de la Palestine ce n’est pas que le vol des terres. C’est aussi la destruction systématique des écosystèmes, de l’accès à l’eau et des pratiques agricoles ancestrales. “ 
 
Israël occupe les terres, déplace les populations, exploite les ressources et soumet les communautés à sa domination. Les politiques de répression ravagent autant les vies humaines que les écosystèmes, laissant des cicatrises irréversibles sur la nature. Le colonialisme fait de l’eau, de l’air et de la nourriture des outils de contrôle et de privation. Par exemple, 80% des ressources en eau souterraine de Cisjordanie sont accaparées par Israël.  
 
La situation en Palestine nous montre ce dont quoi nos systèmes de sociétés sont capables et ce qu’il pourrait se produire ailleurs. 

Militant.e agitant le drapeau palestien, mars 2025, Bruxelles
Photo : Sarah Leveaux | @sarah.lvox

Une mise en scène narcissique ?

De nombreux médias ont porté une vision très critique sur les objectifs du Madleen et de son équipage. Les termes propagandistes d’Israël ont été repris par les médias conservateurs et d’extrême droite en parlant de “selfie yacht”, “la croisière s’amuse” et de “mise en scène narcissique”. L’action militante a été réduite à un effet d’héroïsation et de personnalisation de la lutte.  
 
En effet, l’incarnation de la lutte joue un rôle primordial dans sa médiatisation. Notamment ici, avec Rima Hassan qui incarne cette lutte à travers ses liens avec la Palestine et son histoire familiale.  
 
Greta Thunberg et ses coéquipier.es ont utilisé intelligemment leur capital médiatique et leurs privilèges pour briser l’indifférence générale. Leur engagement a créé une opportunité unique de toucher des publics habituellement peu réceptifs aux enjeux décoloniaux et antiracistes. Cette action a redonné une place médiatique au génocide qui clairement en manque. 

Militant.e en train de scander, mai 2024, Bruxelles
Photo : Sarah Leveaux | @sarah.lvox