Avec le lancement du loto de la biodiversité, le gouvernement décharge une nouvelle fois son devoir écologique sur les citoyen.nes. Malgré un léger renflouement des caisses de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), c’est bien l’État et l’industrie du jeu qui seront les grands gagnants de ce dispositif. Et ce malgré des alertes sur le danger de cette promotion des jeux de hasard. Décryptage d’un greenwashing d’Etat.
"Sur des gros projets d’aménagement portés par des structures puissantes ou influentes, [les avis de l'OFB] sont trop souvent bafoués par les autorités. "
Création d’une mare lors du rassemblement de La Déroute des Routes, Saint-Peray (07), novembre 2023
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Un moyen de financement
inadapté, voire suspect
L’Etat a annoncé le lancement du loto de la biodiversité “Mission Nature“ : un jeu à gratter pour “sauver” la biodiversité. Sur le prix d’achat d’un ticket, seulement 14% du montant sera reversé à l‘OFB. Le restant ira principalement aux joueur.euses via les gains ; mais aussi à l‘Etat, à la Française des Jeux et aux buralistes.
L’OFB pour cautionner une illusion d’engagement
L’OFB – Office Français de la Biodiversité – est l’organisme public de référence en matière de protection et restauration de la biodiversité sur les territoires métropolitain et ultra-marins français, mais son utilité questionne. Effectivement, lorsque l’OFB est investi dans un projet, son expertise s‘arrête à des avis techniques à portée consultative. Sur des gros projets d’aménagement portés par des structures puissantes ou influentes, ces avis sont trop souvent bafoués par les autorités. Ça a été le cas pour le projet d’A69 où ses recommandations ont été éclipsées par des intérêts économiques et politiques.
Banderole à l’entrée de la ZAD de la Cluzad, sur les retenues collinaires, La Clusaz (74), octobre 2022
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Banderole de tête d’un cortège lors de la manifestation contre le projet d’autoroute A69 Toulouse-Castre, Saix (81), octobre 2023
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
De l’extérieur, l’OFB ressemble donc fortement à une institution écran, que l’État utilise pour montrer patte blanche sur la protection de la biodiversité. Et de l’intérieur, beaucoup d’agent.es ne se retrouvent pas dans la manière dont on leur demande de protéger l’environnement : loin du terrain et derrière un écran, et surtout trop souvent sans considération de leurs remarques et préconisations.
La biodiversité oubliée par les politiques publiques
Les principales causes de la perte de la biodiversité sont nombreuses et métas : altération ou destruction des milieux naturels, pollutions des sols, de l’air et de l’eau, surexploitation des espèces, changement climatique et introduction d’espèces envahissantes. Les changements d’usage des sols et l’intégrité de la biosphère sont deux limites planétaires qui sont dépassées. La biodiversité aurait donc besoin de politiques fortes des pouvoirs publics, sur des actions de protection, mais aussi d’atténuation des causes de son érosion.
"[..] ces généralisations deviennent des symboles partagés, ayant une réelle utilité d'empowerment pour les oppressé.es."
Mais malgré l’urgence, la biodiversité est encore bien souvent le dernier des tracas. Quand l’argent récolté par la “Mission Nature” soutiendra 20 projets symboliques de protection de la biodiversité, l’État porte en parallèle de nombreux projets dévastateurs : projets autoroutiers, soutien à l’agriculture traditionnelle et au glyphosate, déforestation, etc.
Les citoyen.nes toujours plus responsabilisé.es
Avec ce jeu, l’État préfère ainsi reporter son action écologiste sur les citoyen.nes, plutôt que de se mobiliser concrètement. A un tel point qu’il a dû entrer dans le Projet de Loi de Finances par un recours au 49.3. Et ce malgré les alertes d’autorités indignées par cette promotion décomplexée des jeux de hasard. Pour illustrer ce point, des agent.es sont parfois amené.es à informer officieusement des associations écologistes. Ces dernières, comme la LPO ou la FNE, ont en effet une faculté d’action et un équipement juridiques que l’OFB n’a pas. Une institution publique contrainte à solliciter des associations témoigne donc du peu de considération de l’État pour la biodiversité.
Ré-ensauvagement avec des arbres fruitiers lors de la manifestation de La Déroute des Routes, Saint-Peray (07), novembre 2023
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Nos sources
Entretien avec un agent de l’OFB
« Appui aux politiques publiques ». Consulté le 15 novembre 2023. https://www.ofb.gouv.fr/appui-aux-politiques-publiques.
France Nature Environnement. « Loto « Mission Nature » : attention, arnaque à la biodiversité ! » Consulté le 15 novembre 2023. https://fne.asso.fr/actualites/loto-mission-nature-attention-arnaque-a-la-biodiversite.
Ministères Écologie Énergie Territoires. « Biodiversité : présentation et enjeux ». Consulté le 15 novembre 2023. https://www.ecologie.gouv.fr/biodiversite-presentation-et-informations-cles.
Ministères Écologie Énergie Territoires. « Loto de la Biodiversité : présentation des projets lauréats du jeu “Mission Nature” ». Consulté le 15 novembre 2023. https://www.ecologie.gouv.fr/loto-biodiversite-presentation-des-projets-laureats-du-jeu-mission-nature.
« Mission nature | FDJ® ». Consulté le 15 novembre 2023. https://www.fdj.fr/illiko-jeux-de-grattage/mission-nature.
« Appui aux politiques publiques ». Consulté le 15 novembre 2023. https://www.ofb.gouv.fr/appui-aux-politiques-publiques.