« LÀ, ON EST PLUS EXPOSÉS, ON PEUT VITE SE RETROUVER COINCÉS, VOIRE NASSÉS. »
— Margot*, militante avec son enfant en mobilisation
* Les noms ont été modifiés pour assurer l’anonymat des personnes interrogées.
JUSQU’OÙ POLITISER LES ENFANTS ?
Pour certain.es, la politisation fait partie de l’éducation. Ses formes sont variables. Elle peut venir du partage de connaissances politiques ou d’une approche par le terrain, en manifestation ou en action.
“Je lui ai expliqué ce que c’étaient les capitalistes.
Et un jour, il a réagi direct : “Ah, les méchants, c’est les capitalistes ! C’est ceux qui prennent l’argent des autres et qui le gardent juste pour eux.” »
— Mots du fils de Yann*, père et militant
La volonté des parents de transmettre leurs valeurs se confronte aux limites explicites ou implicites de leurs enfants. C’est tout l’enjeu du consentement et du libre-arbitre qui rentre en compte.
« Quand [mes enfants] ont vu que les gens cachaient leurs plaques d’immatriculation, ils m’ont dit : “Maman, ils faut qu’on amène des choses pour les aider, du scotch, du papier…” »
— Izz, mère et militante
Campement antifasciste, “Lever les voiles”, mai 2025, Guiscriff (59) (29)
« Oui, le but, c’est de proposer un large panel et ensuite, il choisira… Il va finir CRS et puis voilà. [sur le ton de la blague] »
— Yann, père et militant
LA RÉPRESSION INVISIBILISE
INDIRECTEMENT LES ENFANTS
La répression exclut les personnes les plus vulnérables des espaces de lutte. Les enfants sont donc souvent absents et donc invisibilisés par une répression policière de plus en plus violente.
« Là, on est plus exposés, on peut vite se retrouver coincés, voire nassés. »
— Margot*, militante avec son enfant
Mobilisation “Lever les voiles”, mai 2025, Lestonan (29)
Aller sur le terrain, c’est donc aussi porter la voix de celles et ceux qui n’ont pas le privilège de le faire.
ET LES PARENTS SONT CONTRAINTS PAR LEURS
RESPONSABILITÉS PARENTALES
Pour certain.es parents se pose la question de comment concilier leurs engagements militants avec leurs “obligations” parentales.
« […] tu ne peux pas t’engager de la même manière. Notamment à cause des risques juridiques, parce que le lundi, quand tu dois le récupérer et que tu es en garde à vue, et bien c’est pas la même chose. »
— Yann, père et militant
Sachant qu’à tout ça s’ajoute aussi des inégalités de genre, de classe ou de race sociales, etc. au sein de la structure familiale.
« Le frein [ce n’est pas tant l’enfant en soi], c’est plus que ça prend du temps, notamment sur le temps bénévole. »
— Margot*, mère et militante
DES ESPACES DÉDIÉS ET INCLUSIFS
Face à tous ces enjeux, des dispositifs comme les garderies associatives, bambineries*, gardes d’enfants autogérées, sont mis en place pendant les actions militantes.
*espaces autogérés et adaptés pour les enfants présents sur les mobilisations.
« … [la bambinerie] me permet de partir et d’aller écouter des conférences [sur le camp] sans me sentir stressée et de pouvoir me concentrer. Vraiment, c’est super. »
— Izz, mère et militante
Campement antifasciste, “Lever les voiles”, mai 2025, Guiscriff (59)
LA DÉMARCHE DOCUMENTAIRE
Sur le terrain, à de nombreuses reprises, j’ai remarqué la présence discrète d’enfants, avec leurs parents.
Pourquoi les premier.ères concerné.es sont-iels si peu représenté.es alors même que les combats d’aujourd’hui engagent autant notre présent que leur avenir ?
Il n’a pas été évident de parler des enfants quand on sait les risques auxquels iels peuvent être exposé.es. Je me suis alors questionné sur le mode de diffusion de ces photographies et j’ai opté pour une diffusion anonyme, afin de préserver l’identité et la volonté des enfants. Dans des conditions sous tension telles que les actions ou des manifestations, la méfiance des parents ne m’a pas permis de récolter le point de vue de leurs très jeunes enfants. La question de leur place dans ce documentaire photo m’a beaucoup questionné. Comment les visibiliser sans les mettre en danger ?
Au cours de ce travail, une autre question s’est présentée : ne serait-ce pas aux adultes de prendre leurs responsabilités du monde actuel et de faire en sorte que les enfants n’aient pas à lutter ? L’objectif ici n’est pas d’apporter des réponses définitives à ces questions, mais de se les approprier, de se demander si à force d’être confronté à leur absence, on ne s’est pas privé de leur présence.