Schneider Electric, entreprise spécialisée dans la gestion de l’énergie et l’automatisation et dont la “raison d’être” est de “concilier progrès et développement durable”, n’est pas aussi verte qu’elle ne le prétend. En tout cas, c’est ce qu’ont réaffirmé des collectifs militants Grenoblois ce vendredi 22 novembre en s’introduisant dans l’enceinte d’un des sites de la multinationale française et en y déployant un pipeline et un derrick dans ses jardins.
Tous.tes se préparent psychologiquement à terminer en garde à vue après que le plan a été exposé.
Ce qui lui est reproché depuis plusieurs mois, c’est d’être impliquée dans le projet pétrolier EACOP de TotalEnergies et de “ne pas assumer publiquement sa participation” tout en continuant d’afficher ses efforts dans la transition énergétique [1]. En effet, elle affiche publiquement que “le développement durable est au cœur de [ses] objectifs […] ”. Une dissonance mise en exergue par les militant.es qui rappellent que le projet EACOP est un projet qui selon les ONG émettrait près de 34,3 millions de tonnes de CO2/an (soit plus que les émissions de l’Ouganda et de la Tanzanie réunies). [2]
Un de nos photoreporters s’est rendu à Grenoble pour suivre une action dite “intrusive” dans l’un des QG de Schneider Electric.
L’action est organisée par les collectifs Extinction Rébellion, Alternatiba et Scientifiques en Rébellion, trois collectifs bien implantés à Grenoble et qui pratiquent la désobéissance civile non-violence. Iels profitent de la tenue d’une plénière des Scientifiques en Rébellion – rassemblant des scientifiques de toute la France – mais aussi du dernier jour de la COP29 pour passer à l’action, et augmenter la pression sur le groupe industriel sur sa participation au projet EACOP.
On vous raconte.
Quelque part dans Grenoble | h-2
Les arrivées au compte-goutte permettent aux organisateur.ices de vérifier les personnes qui se présentent au lieu du briefing. Les téléphones sont déposés à l’entrée et la salle commence à se remplir. Les pulls et les manteaux permettent, même à l’intérieur, de rester au chaud. Une fois les présentations faites, le brief commence. Tout est passé en revue : du déroulé exact de l’action, à la cible, en passant par les rôles spécifiques et la stratégie collective, sans oublier les rappels juridiques et les raisons de l’action.
“Au début, on a fait du tractage auprès des employés de Schneider, et ils n’étaient même pas au courant que Schneider participait aux projet EACOP”
partage une organisatrice aux militant.es réuni.es aujourd’hui.
Tous.tes se préparent psychologiquement à terminer en garde à vue après que le plan a été exposé. Quand je demande à Justine* comment elle se sent, elle répond immédiatement : .
“Je suis excitée, ça fait longtemps que je n’ai pas milité”
Dans les rues de Grenoble | h-1
Les montagnes enneigées accompagnent les militant.es jusqu’à leur point de rendez-vous. Bien emmitouflé.es et buée à la bouche, des petits groupes se fondent parmi les passant.es et se déplacent via différents moyens de transport. Iels finissent par se retrouver sur la presqu’île scientifique, à une cinquantaine de mètres du site.
Les scientifiques enfilent leurs blouses blanches qui s’ajoutent aux nombreuses couches vestimentaires déjà en place, les groupes se forment et tous.tes attendent le top départ.
L’introduction sur le site
Au top départ, une vingtaine de personnes longent la piste ciblable qui jouxte la cible. Elles arrivent devant le mur d’enceinte du jardin de Schneider. Elles déploient les 3 échelles, et font passer en moins de 3 minutes l’ensemble du matériel – pipeline, banderoles, derrick, pelles et pioches, etc.
Une fois de l’autre côté, la cours est vide. Seuls quelques tables de pique-nique et des arbres aux feuilles cuivrées ornent le jardin. Sur la pelouse, les manifestant.es entament leur “chantier”. Mise en place de rubalise, de piquets annonçant un “forage en cours”, ou encore une “scène de crime climatique”. L’installation se fait dans un calme relativement déconcertant par rapport aux discours tenus pendant le brief. Les militant.es s’attendaient à voir débarquer la sécurité et la police dans les minutes qui suivraient l’introduction sur le site. Finalement, c’est après quelques minutes que les premiers vigiles entrent en contact avec le groupe. Ils ne semblent pas affolés et demandent que l’action s’arrête : “Vous partez tout de suite”, on entend répondre : “on en a pour encore 20 minutes et après on part.”
En parallèle, devant l’entrée du site, une quarantaine de militant.es organisent un die-in, des prises de parole et accrochent de nombreuses pancartes et banderoles.
Dans le jardin, l’action se déroule comme prévu avec l’installation du derrick, d’une banderole “#EACOP Schneider Electric complice”, d’un pipeline en PVC de 6 mètres de long et la réalisation d’une tranchée creusée dans la pelouse. L’ensemble des éléments est en place, les slogans fusent et les employé.es regardent à travers les vitres cette scène inhabituelle qui se présente à leurs yeux.
Les militant.es repassent de nouveau la barrière et repartent sans encombre, le sourire aux lèvres et la surprise encore décelable sur leur visage. Iels ne s’attendaient pas à ce que ça se déroule sans heurts ni arrestation. Tandis qu’iels s’éloignent du site, les premiers gyrophares arrivent à contre sens pour se poster devant le site. Ni vu ni connu.es, iels se fondent dans le décor et rentrent tranquillement.
2. https://reporterre.net/IMG/pdf/rapport-un-cauchemar-total-amisdelaterre-survie.pdf
*Nom modifié pour préserver l’anonymat