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Le constat scientifique se mue en révolte

01/11/2023

Écrit par :

Lucile Petitjean

Photos de :

Aurèle Castellane

Clément Lopez

Photo  : Aurèle Castellane | @broth_earth

Lors du rassemblement contre l’A69, les forces de l’ordre sont violemment intervenues pour déloger la ZAD nouvellement installée. En parallèle avait lieu une conférence donnée par les scientifiques de l’Atécopol, exprimant leur désaccord avec la construction de cette nouvelle autoroute. Les prises de parole des scientifiques ont été interrompues par les gaz lacrymogènes portés par le vent jusqu’au camp. Cet évènement symbolise bien l’indifférence des décideur.euses politiques face au discours scientifique. Notamment quand celui-ci se positionne à l’encontre du statu quo. La science engagée est devenue une arme redoutable, bien qu’elle ne soit pas aisée à incarner.

"Il n’est plus question de ne croire ou de ne pas croire au changement climatique, celui-ci étant prouvé et documenté."

Photo  : Aurèle Castellane | @broth_earth

Accéder aux résultats de recherche et aux données scientifiques n’est pas chose facile. La vulgarisation et la médiatisation des travaux de spécialistes restent trop rares malgré le travail de certains médiums engagés dans la démocratisation de la science. Dans la lutte écologiste notamment, l’accès à l’information est devenu primordial. L’argumentaire scientifique permet souvent de convaincre de la légitimité de ce combat et ainsi le justifier.

Le récent consensus scientifique sur la responsabilité de l’humanité dans le phénomène de changement climatique en cours par exemple, a une grande incidence sur les discours écologistes. Les recherches scientifiques permettent aussi de se défendre face aux arguments climato-sceptiques et de sortir du simple « débat d’opinion ».
Il n’est plus question de ne croire ou de ne pas croire au changement climatique, celui-ci étant prouvé et documenté. Il est désormais question de savoir comment agir et y réagir.

Photo  : Aurèle Castellane | @broth_earth

Photo  : Aurèle Castellane | @broth_earth

"En rejetant cette possibilité d’agir, la loi imposera donc par défaut à la ruralité un effort similaire à celui porté par les aires urbaines"

Sortir de la sacro-sainte « neutralité scientifique » devient vital

D’après les discours dominants, la bonne science serait comme le bon journalisme : empreinte de neutralité. Ce modèle, s’il a encore de beaux jours devant lui, est de plus en plus questionné. La posture neutre et distancée qui est attendue des chercheur.euses ne coïncide pas avec l’urgence de la situation actuelle.
Être neutre, c’est distancer son travail des applications qui peuvent en être faites, et de ses conséquences politiques et sociales. L’exemple de la bombe nucléaire est canonique de ce phénomène de distanciation, et des conséquences qui peuvent s’en suivre. Le plus souvent, la neutralité revendiquée par la science revient en fait à une acceptation du statu quo. La situation actuelle n’a rien de neutre, et est le fruit de choix collectifs et politiques. S’y plier sans jamais en être critique est un choix, et ce choix a des conséquences.
La posture scientifique engagée n’est pas aisée à construire et conserver. Iels sont nombreux.euses à s’engager, au risque de faire face à des critiques sur leurs prises de position voire des refus de financements.

 

Créer une communauté scientifique engagée et solidaire

Pour changer la façon de faire de la science, les chercheur.euses elleux-mêmes se mobilisent. Iels s’organisent de plusieurs manières pour s’engager concrètement en matière d’écologie. En interne, en portant une attention particulière à l’empreinte carbone du milieu de la recherche. Mais aussi envers l’extérieur, en assumant une position plus engagée.
Les chercheur.euses spécialisé.es dans l’écologie ou les sciences du climat et du vivant ne sont pas les seul.es à être légitimes à s’exprimer sur ces questions et à s’engager dans la lutte contre la désinformation en matière d’écologie. En réalité, il est nécessaire de former une communauté scientifique soudée et variée, comprenant des chercheur.euses de toute spécialité pour amplifier les voix de celleux qui se battent déjà, et celleux qui travaillent spécifiquement sur ces questions.

Les savoirs-faire scientifiques et la méthodologie à laquelle iels sont formé.es sont un atout majeur qui leur permet de débunker les arguments fallacieux et de peser sur l’opinion publique. Les associations et autres mouvements et collectifs en faveur de l’écologie sont d’ailleurs demandeurs d’avis d’expert.es, d’enquêtes et de résultats pour étayer leurs argumentaires et légitimer leurs combats.

Photo  : Aurèle Castellane | @broth_earth

Photo  : Aurèle Castellane | @broth_earth

La « fabrique du doute » par les grandes entreprises

De nombreuses enquêtes ont montré que plusieurs entreprises ont eu recours à des méthodes de manipulation de l’opinion publique et d’attaques répétées et organisées envers les conclusions scientifiques qui leur étaient défavorables. C’est la « fabrique du doute », qui leur permet de repousser les avancées scientifiques et les décisions politiques qui pourraient s’en suivre afin de perpétuer leurs agissements. Bayer-Monsanto ou TotalEnergies par exemple ont même dissimulé les résultats des recherches à propos de leurs impacts sur l’environnement. Il existe un double discours permanent de la part des entreprises capitalistes à propos des sciences. Discours qui dicte une attitude ambivalente envers le milieu de la recherche.
La science est d’abord un outil précieux de développement pour les grandes entreprises. Elles la financent donc abondamment, et sont souvent présentes dans les comités directionnels de différentes écoles, comme nous l’évoquions dans notre récent article « Les ravages des formations ingénieur.e ». Mais elles cherchent aussi à recruter des chercheur.euses, participant ainsi à la privatisation de la science et mettant la connaissance au service d’intérêts privés et capitalistes.
Cependant, quand la science ne sert pas leurs intérêts, voire quand elle dénonce leurs pratiques, elle sera alors taxée de « militante » ou « d’alarmiste », comme l’a fait Patrick Pouyanné dans un tweet récent.

 

Photo  : Clément Lopez | @clement.lopez.jepg

Nos sources

Article basé sur les propos recueillis par Lucile Petitjean de deux membres de scientifique en Rébellion