Le sujet de l’accueil de réfugié.es dit.es climatiques cache une réalité discriminante et alimente des imaginaires et fantasmes dangereux. Effectivement, la crainte de flux massifs d’exilé.es climatiques fait le jeu de la droite, de l’extrême droite et de leurs politiques nationalistes. En réaction, l’écologie politique et les pensées de gauche réinvestissent ces questions pour pousser des politiques de solidarité envers les personnes en exil. Les élections européennes en sont le révélateur.
"Ce flou juridique cristallise le débat sur l’accueil des personnes en exil et entrave les actes de solidarité."
Mur et mirador séparant l’état d’Israël et un camps de réfugié.es palestinien.es, Israël, novembre 2017
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Le cadre juridique d’accueil des migrant.es légalise la discrimination
Le débat sur les migrations climatiques ne repose sur aucune réalité juridique. Le statut de réfugié.e climatique n’existe pas dans le droit international [1]. Ce flou juridique cristallise le débat sur l’accueil des personnes en exil et entrave les actes de solidarité. Une fois encore, la législation n’arrive pas à s’accorder à la réalité violente de notre époque et de ses enjeux.
En effet, on peut questionner l’intérêt de créer un statut juridique différent pour chaque exilé.e lors de sa prise en charge. Cela ouvre la porte à des conditions d’accueil inégales, et donc à de la discrimination légale. Ne pas traiter tout le monde de manière égale pose un problème éthique. On parle pourtant d’humain.es en situation de péril et/ou détresse.
Représentante des peuples d’Amazon au blocage de l’AG de Total Energies, Paris (75), mai 2024
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Enfants marocain.es jouant devant un mur délabré,
Marrakech (Maroc), janvier 2018
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Avion survolant une girouette, La Valette (Malte), avril 2023
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Des imaginaires de migration à revoir
Les sociétés des Nords sont convaincues d’être des modèles désirés partout et par toustes. L’Occident est persuadé que les populations des Suds ont les yeux rivés vers nos pays et qu’une migration est la solution privilégiée pour améliorer ses conditions d’existence [2]. Ce mode de pensée occidentalocentré pousse les pays d’accueil à percevoir les migrations climatiques comme des flux incontrôlables aux frontières, qu’il faut gérer.
Pourtant, il est primordial de prendre du recul sur la réalité des situations d’exil climatique. Car des chercheur.euses en géographie sociale et spécialistes en migrations projettent que les populations impactées par le changement climatique chercheront en priorité à préserver leurs conditions locales d’existence [3]. Et ce discours commence à pénétrer dans certaines institutions, comme l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés [4][5], qui fait figure de référence sur le sujet.
Mais localement, le changement climatique peut pousser des populations à des déplacements non désirés. Lutter pour le climat, c’est donc aussi agir pour ces personnes
Les migrations sont le terrain de l’extrême droite
Les perspectives d’exils climatiques massifs font partie intégrante des imaginaires communs de migration, y compris dans des cercles de gauche. En effet, l’inhabitabilité possible de certaines régions du monde dans plusieurs décennies est souvent utilisé comme un argument pour agir contre le changement climatique. Cependant, sans autre précision, cet argument est maladroit car il alimente les imaginaires de migrations massives qui en découleraient. L’écologie politique tente donc de changer de prisme et cherche à se positionner en faveur d’une politique globale d’accueil et de solidarité envers les populations en exil.
En l’état, le sujet des migrations climatiques alimente donc les craintes de frontières sous pression, d’invasion et d’identité nationale en danger. Ainsi, la droite et l’extrême droite s’en saisissent allégrement pour pousser leurs politiques de fermeture des frontières et de préférence nationale. Pour les élections européennes du 9 juin, les Républicains parlent de « contrôler les frontières de l’Europe » et de « rendre aux Etats leur souveraineté migratoire » quand le RN défend « l’arrêt de la submersion migratoire ».
Signature d’une pétition, Lyon (69), novembre 2022
Photo : Sarah Leveaux | @sarah.lvox
Banderole « 1312 Darmanin sale raciste » lors d’une manifestation spontanée contre la loi immigration, Lyon (69), janvier 2024
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
L’écologie politique tente de changer de prisme et pousse nos sociétés à s’emparer des notions d’exil et d’accueil. Autant par humanisme, qu’avec conscience des apports multiples du brassage et de la mixité.
C’est un nouveau rappel que l’écologie politique n’est pas compatible avec une idéologie raciste et nationaliste.
L’Union Européenne pour parler de l’accueil des réfugiés
Penser et traiter les migrations à l’échelle de l’Union Européenne, c’est diluer les tensions locales et nationales dans un tout, et reconsidérer l’espace d’accueil des personnes en exil. Cela doit permettre de mettre en place une politique de solidarité supranationale, autant à l’avantage des personnes exilées que des pays d’accueil.
Nos sources
[1] Définition du réfugié. (2019, mars 1). UNHCR. https://emergency.unhcr.org/fr/protection/cadre-juridique/d%C3%A9finition-du-r%C3%A9fugi%C3%A9
[2] Edward Said, pionnier du postcolonialisme—#CulturePrime. https://www.youtube.com/watch?v=4VlmvwFhZ64
[3] Haas, H. D. (2020, janvier 31). Hein de Haas : Climate refugees: The fabrication of a migration threat. Hein de Haas. https://heindehaas.blogspot.com/2020/01/climate-refugees-fabrication-of.html
[4] Changement climatique et déplacements. (s. d.-a). UNHCR Belgique et Luxembourg. Consulté 7 juin 2024, à l’adresse https://www.unhcr.org/be/activites/changement-climatique-et-deplacements
[5] Changement climatique et déplacements : Les mythes et les faits. (s. d.-b). UNHCR France. Consulté 7 juin 2024, à l’adresse https://www.unhcr.org/fr-fr/actualites/articles-et-reportages/changement-climatique-et-deplacements-les-mythes-et-les-faits