Les Jeux Olympiques de Paris 2024 sont l’occasion d’un tapage médiatique d’une envergure rare. La compétition permet au pays qui l’organise d’étaler largement son pouvoir devant les caméras du monde entier. C’est aussi ce qui en fait une excellente opportunité pour la contestation politique. Dans beaucoup de réseaux militants, les appels à perturber les JO se multiplient. S’y attaquer pourrait donc devenir une stratégie gagnante.
" L'organisation de cette compétition incarne la politique liberticide, climaticide et antisociale menée par Emmanuel Macron. "
Militants du collectif Le Bruit Qui Court pendant une mise en scène artistique contre la coupe du monde au Qatar, Paris (75), novembre 2022
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Les JO sont l’occasion d’un sursaut contestataire
Les appels à perturber les JO fleurissent dans les réseaux militants depuis le passage en force de la réforme des retraites. Cette stratégie a d’abord été agitée comme une menace, un levier de pression sur le gouvernement durant cet épisode de contestation sociale puis comme une promesse de revanche une fois la loi passée.
« Zbeuler » les JO est un acte bien plus politique qu’on ne pourrait le penser. Un acte qui traduirait pour le reste du monde les velléités contestataires du pays. L’organisation de cette compétition incarne la politique liberticide, climaticide et antisociale menée par Emmanuel Macron. La perturber reviendrait à contester cette politique.
Marionnette satirique de E. Macron pendant une
manifestation contre la réforme des retraites
Grenoble (38), janvier 2023 Photo : Léo Prévitali | @leoprevitali
Militants du collectif Le Bruit Qui Court pendant une mise en scène artistique contre la coupe du monde au Qatar, Paris (75), novembre 2022
Photo : Aurèle Castellane |@broth_earth
Militant sur le toit de la préfecture, Grenoble (38), janvier 2023
Photo : Léo Prévitali | @leoprevitali
Durant l’événement, les caméras du monde entier seront braquées sur Paris. Aller chercher l’attention médiatique et l’accaparer pour mettre en avant leur propre agenda politique est une technique bien connue des militant.es. On pense par exemple à Dernière Rénovation qui a beaucoup utilisé cette tactique en perturbant Roland Garros ou le Tour de France. Cela revient à renverser le dispositif médiatique et politique en leur faveur et donc contre le gouvernement.
La France se veut exemplaire, mais elle sonne faux
L’organisation de Paris 2024 affiche depuis le départ une volonté de porter les premiers jeux verts, voire avec un impact positif sur le climat. Un Comité pour la transformation écologique des Jeux ainsi qu’un poste de directrice excellence environnementale sont nés de cet élan. A entendre le discours de l’exécutif et de l’organisation, ces jeux ont un but purement populaire et écologique. Pourtant, il ne faut pas perdre de vue que le premier objectif de cette compétition est d’asseoir le pouvoir de la France sur la scène internationale, mais aussi de faire gagner de l’argent à des compagnies privées, notamment les sponsors.
Les JO verts et populaires sont donc vite apparus pour ce qu’ils étaient : un énorme coup de comm’. A quelques mois de la compétition, les ambitions sont clairement revues à la baisse. La promesse de JO populaires s’est envolée aussi haut que le prix des billets pour y assister. Allant de 24 euros* et 1150 euros, ces billets ne peuvent être achetés qu’après avoir été sélectionné.es par tirage au sort. Ont suivi les réquisitions de logements étudiants, qui ont commencé quelques semaines avant les épreuves de fin d’année pour une partie d’entre elleux. Puis les déplacements de personnes sans abris, l’établissement de zones où les déplacements sont restreints, contrôlés à l’aide d’un QR Code… Les JO bénéficieront également de 111 millions d’euros d’argent public de plus que prévu initialement. Ce nouveau cadeau fait grimper la facture totale à 2,7 milliards d’euros d’argent public
Surtout, l’organisation attend de la part des individu.es de faire beaucoup d’efforts pour que les Jeux se déroulent comme prévu, mais ne prend pas sa part de responsabilités. Le cas des transports est éclairant sur ce manquement. L’organisation assume qu’une inconnue importante dans son budget carbone total est le déplacement des spectateur.ices. Ces déplacements pourraient coûter cher à la planète, et mettre à mal l’image déjà bien écornée des JO verts et écolos. Pour pallier cela, Paris 2024 avait promis des transports en commun gratuits le temps des jeux pour inciter les usager.ères à utiliser ces modes de déplacement plus respectueux de la planète. Le billet coûtera finalement deux fois plus cher qu’à l’accoutumée, soit 4 euros. Valérie Pécresse lors d’une conférence de presse à Saint-Ouen assumait que ce prix était en fait dissuasif.
Le gouvernement prépare déjà sa riposte
Le gouvernement semble avoir un coup d’avance sur les militant.es. Les JO deviennent l’opportunité de faire passer des lois liberticides et de tester des technologies jusqu’alors interdites. Par exemple, l’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale vont être utilisées avec la vidéosurveillance pour repérer des comportements jugés « anormaux » dans l’espace public. Coupler ces technologies était jusque là interdit. C’est la loi sécurité des JO de Paris 2024 qui a permis cette modification du cadre légal.
L’application de ces lois liberticides risque fort de se prolonger et de s’installer durablement dans le paysage législatif français. De nombreuses organisations et associations de défense des libertés citoyennes ont fait part de leurs inquiétudes sur le virage sécuritaire que les JO impliquent.
[*correction sur le prix faite le 26 avril 2024 à 16h]
Nos sources
– Peuple Révolté lance Révolte Olympique
– Appel de CND : « Le 1er mai, allumons la rage olympique »
– Kokabi, A. (2023, 4 avril). Paris 2024 : des activistes écolos veulent infiltrer les JO. Reporterre, le Média de L’écologie – Indépendant et En Accès Libre.
– FRANCE 24. (2023, 5 septembre). Les JO de Paris peuvent-ils être verts ? Infrastructures, énergie. Le difficile pari de jeux écolos [Vidéo]. YouTube.
– Channel, O. (2021, 23 mars). Paris 2024 s’engage à organiser des Jeux Olympiques et Paralympiques à contribution positive pour le climat. Olympics.com.
– Le Coeur, P. (2023, 7 avril). JO de Paris 2024 : comment se décompose la facture pour les finances publiques. Le Monde.fr.
– La Rédaction (2023, 18 janvier). Jeux Olympiques 2024 : les réserves de la Cour des Comptes. Vie publique : au coeur du débat public.
– Billets pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 : les dernières infos. (2022, 25 juillet). Olympics.com.
– https://www.lefigaro.fr/sports/jeux-olympiques/jeux-olympiques-calendrier-mode-d-emploi-packs-sur-mesure-tarifs-le-guide-pratique-tout-savoir-sur-la-billetterie-des-jeux-de-paris-2024-20221128
– Décodeurs (2023, 29 novembre). Paris 2024 : visualisez les hausses de tarif des transports pour les JO et le reste de l’année 2024. Le Monde.fr.
– https://www.iledefrance-mobilites.fr/actualites/tarification-jo-paris-2024
– Région Île-de-France. (2024, 25 mars). Conférence de presse du lundi 25 mars à 11h : Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 [Vidéo]. YouTube.
– Le Coeur, P. (2023b, avril 18). JO 2024 : les députés autorisent la vidéosurveillance algorithmique avant, pendant et après les Jeux. Le Monde.fr.
– Coulon, L. (2023, 12 avril). Paris 2024 : la surveillance massive et « intelligente » entérinée pour les Jeux olympiques. Libération.
– Alouette. (2021, 15 octobre). JO 2024 : la frénésie sécuritaire. La Quadrature du Net.