Un tournant écologique aux municipales de 2026 ?

Un tournant écologique aux municipales de 2026 ?

Simon Brisard

Inscription "Avenir à prendre, système à pendre" au dos d'un t-shirt, Colombier-Saugnieu, septembre 2021
Photo : Sarah Levaux | @sarah.lvox

S’il est un fait incontestable, c’est qu’une majorité des décideur.euses en place ne sont pas à la hauteur des enjeux actuels : climat, biodiversité, actions sociales, etc. Les réunions au sommet et les promesses se suivent et sont souvent des coquilles bien trop vides. Pourtant, ces luttes sont aussi portées en local par plus de 500.000 élu.es locaux.ales, qui ont aussi du pouvoir pour faire changer les choses. Nombreuses sont les communes qui peuvent montrer l’exemple de belles réflexions ou réalisations en matière d’action sociale ou écologique. Les élections municipales de 2026 peuvent donc être une échéance importante pour celleux qui imaginent une transformation de la société, à condition de réussir à bien préparer un projet politique qui sache souder la liste, et relever le défi humain qui se cache derrière une élection. 

Les élections municipales de 2026 peuvent être une échéance importante pour celleux qui imaginent une transformation de la société.

Cortège lors de la mobilisation "No TAV" des Soulèvements de la Terre, Maurienne, juin 2023
Photo : Pierre Fimbel | @pyr_fbl

Une structure du pouvoir complexe entre les différents échelons

L’action pour le climat ne passe pas que par des sommets internationaux et des politiques nationales. L’adaptation au changement climatique et son atténuation, ainsi que les réponses à la polycrise écologique, peuvent et doivent se penser à l’échelon local. Car on y voit les enjeux globaux se mélanger avec les réalités territoriales : économique, écologique et sociale. En théorie, les élu.es locaux.ales sont donc les mieux placé.es pour construire des dynamiques de transition qui soient adaptées à leur territoire. Mais dans les faits, compte tenu de la difficulté de saisir pleinement la sociologie et les enjeux d’un territoire et du manque de formation des élu.es, les décisions locales clairvoyantes et sensées ne sont que trop rares. D’autant plus que ces décideur.euses locaux.ales restent souvent proches des discours nationaux, par choix d’identification politique ou par contrainte. 

La contrainte vient notamment de la concentration des pouvoirs et des décisions à Paris et dans les grands centres urbains, qui éloigne par défaut l’action politique locale de là où se construisent les politiques, les budgets et leurs attributions. Malgré le regroupement des maires et président.es d’intercommunalités dans une association en contact avec l’exécutif et le législatif, les grandes orientations restent dictées par Paris, appliquées par les préfectures, et bien souvent inadaptées aux territoires ruraux, de montagne ou littoraux.  

Aussi, l’Etat ne se prive pas d’intervenir dans les territoires pour pousser des projets, parfois au détriment de la communauté scientifique et écologique et des pouvoirs publics locaux, comme ça a été le cas pour l’A69 ou les mégabassines. Malgré la décentralisation historique de pouvoir et l’annonce de Macron en 2023 d’une décentralisation “réelle et audacieuse”, l’action politique locale reste fortement liée au national. 

Pancarte "Sois jeune et lève-toi" en manifestation contre l'extrême-droite, Paris
Photo : Aurèle Castellane | @broth_earth
Inscription "Montagne en danger" sur un panneau de signalisation, Maurienne, juin 2023
Photo : Pierre Fimbel | @pyr_fbl

Le poids des municipalités dans l’action écologique

Pour penser et comprendre les dynamiques de transition à ce niveau, il est important de connaître les différents échelons locaux et leurs facultés d’action. Les communes gèrent par exemple les sujets en lien avec l’urbanisme, l’environnement, le logement, etc. Les Départements ceux en lien avec l’action sociale, la mobilité locale et certaines infrastructures routières. De leur côté, les Régions pèsent sur le développement économique, les transports longue distance, l’aménagement du territoire, etc. Même si l’action politique locale est rendue complexe par son rapport aux institutions nationales, les collectivités territoriales ont tout de même des réelles capacités d’action. Dans le cadre de grands projets inutiles et destructeurs, les pouvoirs publics locaux peuvent par exemple s’y opposer réglementairement, et a minima ralentir leur développement et donner du temps à des formes de contestation non-institutionnelles. 

Au-delà de la contestation et de l’opposition, certaines municipalités ou certaines collectivités territoriales prouvent que des élu.es locaux peuvent peser positivement sur l’action politique et l’organisation sociale. Sans parler des actions de certaines grandes métropoles dirigées par des élu.es de gauche ou écolos, des communes beaucoup plus petites ont su faire des choix en accord avec les enjeux de leur territoire et de leur population. A Puy-Saint-André (Hautes-Alpes), la mairie a par exemple lancé une démarche d’habitat participatif et d’habitat léger pour répondre “aux enjeux de densification du bâti, de l’imperméabilisation des sols, de la mixité sociale” et lutter contre la spéculation foncière. Elle a aussi lancé une société de développement de centrales à énergies renouvelables en autoconsommation, détenue en majorité par les collectivités territoriales et ouverte aux capitaux citoyens. Lors des élections municipales de 2026, ce sont donc près de 500.000 mandats municipaux qui seront redistribués pour 6 ans, avec une possibilité d’agir localement pour une organisation sociale plus juste et écologique. 

Statue de la place des Jacobins recouverte par un tshirt "We hahe 752 days left", Lyon, mars 2023
Photo : Pierre Fimbel | @pyr_fbl

La difficulté de créer une liste

Les capacités d’action d’une mairie sont modulées par un écosystème institutionnel complexe, des problématiques économiques et de financement, l’accès à une connaissance fine du territoire, de sa population et de ses enjeux, la reprise des projets des mandats précédents, etc. Être élu.e est donc une tâche techniquement ardue, mais avec la possibilité de mener à bien des projets qui pourront répondre concrètement à des attentes sociales et écologiques. Il y a donc un réel intérêt à avoir une vague de listes aux idées progressistes aux prochaines élections municipales, pour agir concrètement mais aussi pour peser dans le monde institutionnel, l’action et le débat politiques. Mais dans la constitution d’une liste, au-delà de certaines compétences et connaissances importantes pour être élu.es, il est aussi question de facteur humain.

Mobilisation contre un projet d'entrepôt Amazon, Colombier-Saugnieu, septembre 2021
Photo : Sarah Levaux | @sarah.lvox

En effet, la visée électorale d’une liste sur un territoire donné nécessite souvent une certaine représentativité de la population locale et des administré.es par les personnes qui la constituent, notamment sur le volet socio-économique. S’il est parfois difficile d’aller chercher certains profils, méfiants ou désintéressés de la politique, il est aussi crucial de réussir à échanger autour d’un projet politique commun, agissant comme un ciment pour l’équipe, dans lequel il faut laisser de la place aux discussions, à la confrontation des idéaux politiques, aux compromis. En effet, la politique locale ne ressemble pas aux joutes ou aux débats que l’on peut voir dans les débats, à l’Assemblée ou dans les émissions politiques, et qui façonnent pourtant l’esprit politique de beaucoup. S’il y a évidemment la possibilité de porter des idéaux ou de la radicalité dans des politiques locales, ces dernières sont souvent ancrées dans des réalités économiques ou matérielles contraintes, qui poussent à une politique du terrain. Compte tenu de l’engagement, de l’énergie et de la fréquente non-rémunération du statut d’élu.es, il est important que le projet politique permette de porter un engagement fort sur les 6 ans de la durée du mandat. 

Mobilisation pour dénoncer l'ineptie de la COP21, Lyon, octobre 2021
Photo : Clément Lopez | @clementlopez.jpeg
Sources
  • Nombre d’élu.es locaux.ales : Statut de l’élu local | Ministères Écologie Énergie Territoires  
  • Compétences des collectivités territoriales : Compétences des collectivités locales | Ministères Écologie Énergie Territoires  
  • Loi Climat et Résilience : LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (1) – Légifrance