Les ZAD de l’A69 sont des lieux d’expérimentation de nouveaux modes d’organisation. Elles sont aussi un puissant moyen d’ancrer la lutte sur place et de montrer ce que l’on peut faire des terre menacées par le projet d’autoroute. La ZAD, c’est occuper le territoire pour le réinventer et le protéger de la destruction. C’est donc un mode de contestation de plus en plus plébiscité, voire idéalisé par une partie des sphères militantes. Le succès de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes n’y est pas étranger. Les défenseur.euses de cette forme d’action et d’organisation cherchent à la répandre massivement. Mais iels se méfient des canaux de communication classique pour se faire, et les médias mainstream le leur rendent bien.
La ZAD, c’est occuper le territoire pour le réinventer et le protéger de la destruction.
Les médias occultent la ZAD dans la bataille contre l’A69
Les occupations le long du futur tracé de l’A69 permettent aux contestataires de faire vivre de nouveaux modes d’organisation. Mais elles servent aussi de base de vie et impulsent de nombreux évènements et actions pour lutter contre ce projet. La ZAD est un mode de lutte performatif, sa simple existence est une résistance radicale. Mais pour donner corps au slogan « ZAD partout » et renforcer le rapport de force, il manque une diffusion plus large de ce modèle, notamment via les médias.
Il existe une défiance envers les médias mainstream chez une large partie des militant.es autonomes, très représenté.es à la ZAD. C’est ce qui a donné lieu à des altercations avec des journalistes lors de l’évènement « Roue Libre » qui se tenait les 8 et 9 juin. Des règles strictes avaient été établies le vendredi matin pour interdire les photos sur le camp, sauf dans des conditions définies et restrictives. Ces règles ont permis à une partie des activistes de se sentir plus protégé.es et moins exposé.es aux prises de vue qui pourraient les incriminer par la suite.
Cette forte défiance d’une partie de la frange radicale des militant.es n’est ni nouvelle ni injustifiée. Elle ne se constate d’ailleurs pas que sur les ZAD. Les idées et discours écologistes sont très souvent instrumentalisés ou détournés dans les grands médias. Certaines prises de parole sont isolées, décontextualisées, pour transmettre une image très différente du discours de départ. Sont mis en avant les « violences » ou autres éléments chocs susceptibles de buzzer. Le fond est donc rarement traité et la ZAD décrite comme un espace de chaos. La dimension créative et révolutionnaire est occultée.
Il est bon de souligner que même les médias plus alternatifs ou les influenceur.euses écolos se sont très peu emparé du sujet de la ZAD. Pourtant moins soumis.es aux intérêts de milliardaires iels n’ont pas su utiliser leur indépendance au service de la lutte quotidienne que représente la ZAD. Elleux non plus ne parviennent donc pas à combler le manque de médiatisation de la ZAD. Iels préfèrent se concentrer le plus souvent sur les temps forts de la contestation, portés par les Soulèvements de la Terre sans s’intéresser au travail de réinvention de la société et de la lutte que réalisent les zadistes.
Le désintérêt des médias met en danger les militant.es
La ZAD est un lieu de vie, et donc une lutte du quotidien. Il est difficile d’y intéresser les médias mainstream sans « temps forts ». Les occupations tentent cependant de se doter de moments de rassemblements, d’évènements particuliers qui permettent la rencontre et la mise en lien. Les médias n’y sont pas toujours les bienvenus pour autant. Mais si l’existence quotidienne n’intéresse pas les médias, les détracteurs de la ZAD ont elleux bien compris ce qu’elle avait de révolutionnaire, et donc de dangereux pour l’ordre établi. Les habitant.es des occupations deviennent alors des cibles faciles.
Les attaques de personnes favorables à l’A69 ou de mouvances d’extrême droite ont toujours eu lieu sur la ZAD. Elles se sont même multipliées ces dernières semaines. Courses poursuites, agressions verbales, incendies criminels et menaces sont dénoncés par les zadistes. Iels subissent d’autant plus durement ces agressions que l’opinion publique n’en est pas informée et que rien ne les en protège.
Les pressions policières sont également légion sur les occupations. Durant le mois de janvier, des écureuils qui occupaient les arbres ont subi un siège policier sans précédent. Cet évènement, traumatique pour plus d’un.e, avait justifié la venue du rapporteur spécial de l’ONU Michel Forst. Il a d’ailleurs dénoncé la répression ayant cours sur la ZAD de l’A69 en général, et plus globalement encore le traitement des contestataires écologistes en France.
Investir un nouveau système médiatique
Face au manque de médiatisation de leurs problématiques, les zadistes sont loin d’être démuni.es. Les productions écrites sont nombreuses et variées. Tracts, plaidoyers ou encore fascicules se retrouvent sur les infokiosques de tous les grands évènements militants. Un stand radio permet même d’enregistrer des podcasts.
L’équipe de communication des ZAD s’empare également des réseaux sociaux classiques comme instagram. Si iels ne boudent pas ces canaux de diffusion grand public, iels produisent malgré tout un contenu très ciblé. Ne suivant ni les modes ni les tendances, ni les fonctionnements favorisant une visibilité importante en faisant plaisir à l’algorithme, iels continuent de toucher majoritairement des personnes déjà acquises à leur cause.
- Subra Philippe, Zones à Défendre, de Sivens à Notre-Dame-des-Landes, L’Aube, 2016, 120 p.
- Zad_A69, 54 km de ZAD antifasciste, réaction aux attaques violentes et à la vague d’extrême droite, juillet 2024
- Onufrance. (2024, 1 mars). « Ecureuils » mobilisés contre l&rsquo ; A69 : conclusions du rapporteur spécial de l’ONU. ONU France. https://unric.org/fr/ecureuils-mobilises-contre-la69-conclusions-du-rapporteur-special-de-lonu/