Le NIMBY, acronyme de “Not IN My Backyard” signifie littéralement “pas dans mon jardin”. Il est utilisé aux USA et France depuis les années 1980 pour disqualifier des oppositions locales. Cela enferme les opposant.es dans le rôle d’égoïstes refusant de voir leur cadre de vie détérioré pour le bien commun.
Pour se défaire de ces accusations, les luttes se réinventent. Les plaidoyers contre des projets dénoncent tout un système, et le slogan “ni ici, ni ailleurs” fleurit partout. Aujourd’hui, on ne lutte plus seulement pour son territoire mais contre un modèle de société dans son ensemble.
Aujourd’hui, on ne lutte plus seulement pour son territoire mais contre un modèle de société dans son ensemble.
L’accusation de NIMBY affaiblit les luttes locales
Le localisme est une résurgence du NIMBY en France. Ces concepts appliquent un double mouvement :
- La contestation ne serait le fait que de personnes directement concernées. Elle est donc restreinte à un petit groupe de mécontent.es.
- Ces contestataires ne sont pas légitimes puisqu’iels refusent de faire passer le bien commun avant leur confort.
Les aménageur.euses du territoire et autres expert.es auraient donc tort de se priver de cette accusation. Le concept du NIMBY leur offre un boulevard pour la réalisation de leur projet, qui devient plus difficile à contester.
Cette rhétorique s’est beaucoup vue autour de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (NDDL). La construction de l’aéroport était justifiée par le besoin de développer la région et surtout la ville de Nantes. Ce développement était empêché par une petite minorité locale qui voulait préserver son cadre de vie.
Pour en finir avec le NIMBY, le “ni ici ni ailleurs” prime
La ZAD de NDDL est un bon exemple du dépassement de l’accusation de NIMBY. Au fil de la contestation, les zadistes sont parvenu.es à rallier de grandes structures nationales à leur lutte.
Les luttes locales ont bien compris l’urgence de dépasser ces accusations. D’abord en montant en généralité, puis en déspacialisant la contestation.
Monter en généralité, c’est chercher à dénoncer un système plus grand que la lutte locale seule. Les riverain.es ne refusent pas simplement un projet près de chez elleux. Iels refusent un mode d’organisation, un projet de société.
Les critiques de la LGV Bordeaux – Toulouse par exemple font appel à une rhétorique de la décroissance. Iels ne contestent pas seulement la ligne de train, mais aussi le besoin d’aller toujours plus vite. Iels plaident pour une réutilisation du tracé ferroviaire existant plutôt que la création de nouvelles voies pouvant accueillir le TGV.
Cette montée en généralités s’accompagne d’une déspacialisation. Les contestataires ne protègent plus seulement leur territoire, mais aussi celui des autres. Iels ne veulent pas seulement déplacer mais abolir. C’est le fameux slogan “ni ici ni ailleurs”.
Ce processus de déspacialisation a été particulièrement à l’œuvre à Bure. L’opposition à Cigéo, qui avait peu mobilisé localement au début, a trouvé écho jusqu’au niveau européen. Car les activistes ne dénonçaient pas seulement ce projet, mais bien tout le système nucléaire.
Vers une contestation éclairée pour faire face au NIMBY
Les développeur.euses de projet cherchent à faire taire les contestations en mettant en avant une expertise et un savoir que les opposant.es ne peuvent pas maîtriser. Si iels ne sont pas d’accord, c’est qu’iels n’ont pas compris. C’est une forme de domination classiste.
Face à cela se développe une “opposition éclairée” et des connaissances “profanes”. Les citoyen.nes deviennent peu à peu expert.es en se renseignant, en faisant appel à des associations ou à des expertises indépendantes.
Là encore l’exemple de Bure est intéressant. Les questions nucléaires sont épineuses et complexes, et ont poussé les militant.es à développer leur propre expertise.
En se renseignant, en faisant appel à des spécialistes, iels sont parvenu.es à cerner tous les enjeux et à protester d’égal à égal avec les expert.es venu.es leur certifier que l’avenir du pays était assuré par le nucléaire.
- Sébastien, Léa. « Le nimby est mort. Vive la résistance éclairée : le cas de l’opposition à un projet de décharge, Essonne, France », Sociologies pratiques, vol. 27, no. 2, 2013, pp. 145-165.
- Dear M. (1992), « Understanding and Overcoming the nimby Syndrome », Journal of the American Planning Association, 58, p. 141-149.
- Dziedzcki J. M. (2003), « Au-delà du nimby : le conflit d’aménagement, expression de multiples revendications », dans P. Melé, C. Larue, M. Rosemberg, Conflits et territoires, Tours, Presses universitaires François Rabelais, MSH Villes et territoires.
- Subra, Philippe. « Chapitre 4. L’aménagement rejeté : nimby et luttes environnementales », , Géopolitique de l’aménagement du territoire. sous la direction de Subra Philippe. Armand Colin, 2018, pp. 109-147.
- GreenVoice. Non à la LGV Bordeaux Toulouse : une aberration économique,. . . (s. d.). https://agir.greenvoice.fr/petitions/non-a-la-lgv-bordeaux-toulouse
- Subra, Philippe. « Cigéo, un conflit à vie longue », Hérodote, vol. 170, no. 3, 2018, pp. 209-224.
- B.Corson, E. (2021, juin 9). Bure, laboratoire d’autoritarisme et de répression. POLITIS. https://www.politis.fr/articles/2021/06/bure-laboratoire-dautoritarisme-et-de-repression-43287/
- Reporterre. (2021, mai 31). Bure et Cigéo : Trente ans de lutte contre les déchets radioactifs. Reporterre, le média de l’écologie – Indépendant et en accès libre. https://reporterre.net/Bure-et-Cigeo-trente-ans-de-lutte-contre-les-dechets-radioactifs